Sortant du cadre habituel de la méditation spirituelle prononcée avant l’Angélus dominical, le pape François a lancé un appel s’adressant directement au président russe Vladimir Poutine et au président ukrainien Volodymyr Zelensky.
Le pape François s’est alarmé dimanche du risque d’affrontement nucléaire en Europe, deux jours après l’annexion officielle de quatre régions ukrainiennes par la Fédération de Russie. « L’évolution de la guerre en Ukraine est devenue si grave, si dévastatrice et si menaçante qu’elle suscite une grande inquiétude », a martelé François lors d’une prise de parole au format inhabituel, avant la prière de l’Angélus dominical. « Cette terrible et inconcevable blessure de l’humanité, au lieu de se cicatriser, continue de saigner de plus en plus, risquant de s’étendre », a-t-il ajouté.
Souvent critiqué pour avoir évité de mentionner directement la responsabilité de la Russie, le pape s’est cette fois-ci directement adressé à Vladimir Poutine : « Mon appel s’adresse avant tout au président de la Fédération de Russie, le suppliant d’arrêter, également par amour pour son peuple, cette spirale de violence et de mort », a-t-il lancé. Après avoir reçu le 1er octobre une proche conseillère du président ukrainien, le pontife s’est aussi adressé à Voldymyr Zelensky : « Profondément attristé par l’immense souffrance du peuple ukrainien suite à l’agression qu’il a subie, je lance un appel tout aussi confiant au président de l’Ukraine à être ouvert à des propositions sérieuses de paix ».
« Affligé par les rivières de sang et de larmes »
Le pape s’est dit « profondément affligé par les rivières de sang et de larmes versées ces derniers mois. Je suis attristé par les milliers de victimes, en particulier chez les enfants, et par les nombreuses destructions, qui ont laissé un grand nombre de personnes et de familles sans abri et menacent de vastes territoires de faim et de froid », s’est-il attristé, à l’approche d’un hiver qui s’annonce particulièrement éprouvant pour la population ukrainienne, confrontée à de graves pénuries.
« Certaines actions ne peuvent jamais être justifiées ! Il est angoissant que le monde apprenne la géographie de l’Ukraine à travers des noms comme Boutcha, Irpin, Marioupol, Izioum, Zaporijia et d’autres localités, qui sont devenus des lieux de souffrance et de peur indescriptibles », s’est insurgé François. Le cardinal Konrad Krajewski, préfet du nouveau dicastère pour le Service de la charité, s’est rendu à plusieurs reprises en Ukraine et a directement témoigné au pape des atrocités vécues par la population. Il s’est notamment recueilli devant des charniers à Boutcha, en avril dernier, et à Izioum, en septembre.
L’absurdité de la menace atomique
Le pape a par ailleurs dénoncé comme « absurde » le fait que l’humanité soit de nouveau « confrontée à la menace atomique ». « Au nom de Dieu et au nom du sens d’humanité qui habite chaque cœur, je renouvelle mon appel à un cessez-le-feu immédiat. Que les armes se taisent et que l’on recherche les conditions pour ouvrir des négociations en mesure de mener à des solutions non pas imposées par la force, mais concertées, justes et stables », a exhorté le pape François.
Le pontife a appelé à un dialogue fondé « sur le respect de la valeur sacro-sainte de la vie humaine, ainsi que sur la souveraineté et l’intégrité territoriale de chaque pays ». Il a également mentionné le respect des « droits des minorités ». « Je regrette profondément la grave situation qui s’est créée ces derniers jours, avec de nouvelles actions contraires aux principes du droit international », a déclaré le pape, 48 heures après l’annexion de quatre régions ukrainiennes par la Russie. « Elle augmente le risque d’escalade nucléaire, au point de faire craindre des conséquences incontrôlables et catastrophiques au niveau mondial », a déclaré le pape François.
« À tous les protagonistes de la vie internationale et aux responsables politiques des nations, je demande avec insistance de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre fin à la guerre en cours, sans se laisser entraîner dans de dangereuses escalades, et pour promouvoir et soutenir des initiatives de dialogue », a demandé le pontife argentin. Avant de prier l’intercession de la Vierge Marie, l’évêque de Rome a appelé les diplomates à la créativité. « Après sept mois d’hostilités, il faut recourir à tous les moyens diplomatiques, même ceux qui n’ont éventuellement pas été utilisés jusqu’à présent, pour mettre un terme à cette terrible tragédie », a-t-il exhorté.
Une nouvelle étape dans la guerre
Le 29 septembre, le président russe Vladimir Poutine a annoncé officiellement, lors d’une cérémonie organisée au Kremlin, le rattachement des régions de Louhansk, Donetsk, Kherson et Zaporijia à la Fédération de Russie, après des référendums locaux organisés sous la pression des armes, comme ce fut le cas pour la Crimée en 2014. Parlant d’un combat « pour la grande Russie historique », il a assuré vouloir défendre la souveraineté russe sur ces régions « par tous les moyens ».
Son discours laisse craindre l’utilisation de l’arme nucléaire en réponse à la contre-offensive de l’armée ukrainienne, qui a obtenu d’importants succès ces dernières semaines. En réponse aux annonces de Moscou, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a formalisé, le même jour, une demande d’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Depuis le début de l’offensive russe sur l’Ukraine, le 24 février dernier, le pape François a multiplié les appels à la paix, effectuant plus de 80 interventions sur le sujet. Il a néanmoins été fortement critiqué pour avoir généralement évité de mentionner directement la responsabilité de la Russie.