La guerre en Ukraine a déjà coûté la vie à près de 50 000 soldats russes, selon une première évaluation indépendante du bilan humain de ce conflit, réalisée par deux médias indépendants russes et un statisticien, rapporte France24. Cette estimation, qui dépasse nettement le bilan officiel russe – établi à seulement 6 000 pertes –, repose sur une méthode inédite : l’analyse du « surplus » des dossiers d’héritage ouverts depuis février 2022.
Près de 50 000 soldats russes morts depuis le début de la grande offensive de février 2022. C’est la conclusion de la première estimation indépendante – et unique à ce jour – du coût humain de la guerre pour Moscou. L’enquête a été publiée lundi 10 juillet par les médias russes indépendants Meduza et Mediazona, en collaboration avec le statisticien Dmitri Kobak de l’université de Tübingen.
« En ajoutant les combattants gravement blessés qui n’ont pas pu retourner au combat, le nombre total de victimes de la Russie s’élève à au moins 125 000 soldats, d’après nos calculs », écrivent les auteurs de l’enquête pour Meduza. Ces quinze mois de combats acharnés ont ainsi coûté trois fois plus cher en hommes que les dix ans de guerre en Afghanistan (1979-1989), soutient le site d’investigation indépendant russe.
Les revendications d’héritage
« En tant que citoyen russe, j’aurais aimé ne pas avoir à faire ça, j’aurais préféré qu’il n’y ait pas de guerre », déplore Dmitri Kobak, qui s’emploie depuis plusieurs années à révéler la face cachée des données officielles russes, qu’il s’agisse des résultats électoraux ou du recensement des victimes du Covid-19.
Le décompte des victimes de la guerre reste largement enveloppé de mystère. Officiellement, la Russie a reconnu un peu moins de 6 000 morts depuis le début de la guerre. C’était en septembre 2022. Depuis lors, Moscou maintient un strict silence radio. Mais les chiffres avancés par les autorités ukrainiennes ou américaines – entre 35 000 et 60 000 pour la seule année 2022 – sont aussi à prendre avec des pincettes, estime Meduza.
Jusqu’à présent, le seul effort indépendant pour évaluer les pertes russes au combat a été mené par la chaîne britannique BBC. En travaillant avec Mediazona, ces journalistes ont traqué les mentions de décès sur les réseaux sociaux et dans les médias locaux. Ils ont ainsi pu certifier 26 801 décès. Un chiffre probablement bien en deçà de la réalité, soulignent-ils.
C’est là qu’intervient la vraie trouvaille des nouvelles révélations. Meduza et Mediazona “ont pu avoir accès à des données vraiment uniques : les revendications d’héritage”, souligne Ilya Kashnitsky, démographe à l’université du Danemark du Sud.
Ils ont pu éplucher plus de 11 millions de dossiers depuis 2014 et ainsi déduire la surmortalité à partir de février 2022, début de la grande offensive russe en Ukraine. Ils se sont restreints aux cas concernant des hommes en âge de combattre.
Ce calcul de la surmortalité repose sur des techniques statistiques éprouvées. Elles ont été utilisées pour évaluer les morts causées par la pollution, les décès liés à des catastrophes naturelles et, plus récemment, pour avoir une idée plus précise du nombre de victimes du Covid-19.
Mais cette approche avait jusqu’à présent peu servi pour les guerres. « Je n’ai connaissance que d’un autre exemple qui concerne la guerre au Haut-Karabakh en 2020, pour laquelle un de mes collègues a utilisé la surmortalité pour tenter d’évaluer le nombre réel de victimes du côté arménien et azerbaïdjanais », souligne Dmitri Kobak.