Il y a quelques années, le journalisme en Haïti était déjà confronté à des défis titanesques : manque de ressources, faible rémunération, pressions politiques, entre autres. Aujourd’hui, une autre menace, plus dangereuse et plus immédiate, pèse sur la profession. Les journalistes sont désormais les nouvelles cibles de bandes armées. Une situation qui soulève une question cruciale : jusqu’où ira l’impunité dans ce pays en crise ?
Des chefs de gangs notoires comme Jimmy Cherizier, alias « Barbecue », et Vitelhomme Innocent, n’ont pas hésité à exprimer leur intention de kidnapper des journalistes. Dans une émission en direct sur TikTok, ils ont ouvertement menacé de s’en prendre aux professionnels de la presse pour leur couverture des activités criminelles qui ravagent le pays. Leurs déclarations jettent une ombre encore plus lourde sur une profession déjà fragilisée par l’instabilité politique et l’insécurité galopante.
Ce qui choque dans cette affaire, ce n’est pas seulement l’audace de ces criminels, mais le fait qu’ils rendent les journalistes en partie responsables des maux du pays. Ces hommes, qui baignent dans l’insécurité et la violence, estiment que ceux qui animent les grands débats publics ou relaient les informations sur la violence armée jouissent d’une trop grande liberté d’expression. Cette perception déformée du rôle des journalistes, combinée à la haine qu’ils nourrissent à l’égard de ceux qui dénoncent leurs crimes, crée un climat insupportable pour ces professionnels de l’information.
Les menaces proférées à l’encontre de figures emblématiques de la presse, comme Johnny Ferdinand, Guerrier Dieuseul, Luckner Désiré ou Esaü César, montrent à quel point la situation est critique. Ces noms circulent dans les milieux criminels comme des cibles potentielles, des hommes à abattre pour leur engagement en faveur de la vérité et de la transparence.
Face à cette escalade, il est légitime de se demander : où est l’État ? Où est la justice ? Le silence et l’inaction des autorités semblent donner carte blanche à ces criminels pour agir en toute impunité. Alors que la société haïtienne s’enfonce de plus en plus dans le chaos, les journalistes continuent de jouer un rôle indispensable en tant que porte-parole de ceux qui n’ont pas accès à la parole publique.
La presse, en Haïti comme ailleurs, est un pilier fondamental de la démocratie. Tenter de la museler, c’est priver la population de son droit à l’information et à la vérité. L’intimidation des bandes armées ne doit pas faire taire ceux qui, malgré les risques, choisissent de tenir leur micro et leur plume pour éclairer la société.
Il est urgent que les autorités prennent des mesures fermes pour protéger ces professionnels et mettre fin à ce climat de terreur. L’Etat ne peut rester un spectateur passif alors que la liberté de la presse – et par extension la liberté individuelle – est prise en otage par les forces du mal.
Les journalistes ne sont pas les ennemis du pays, mais les sentinelles de la vérité, les gardiens de la conscience collective. Affaiblir ou menacer la presse, c’est condamner une société à l’ignorance et à l’oppression. Nous ne devons jamais l’oublier.