La visite du Premier ministre Garry Conille à Kenscoff le 1er novembre dernier a marqué un tournant dans le discours officiel sur la sécurité nationale en Haïti. Loin des réponses rassurantes ou des promesses de redressement, ce fut un moment de franchise inattendu et troublant, où le chef du gouvernement a reconnu publiquement de graves failles dans la sécurité du pays et dans son propre cabinet.
Lors du forum citoyen, le Premier ministre s’est adressé aux habitants de Kenscoff, évoquant sans détour les relations problématiques entre un membre de son équipe de sécurité et certains chefs de gangs influents opérant dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince. Cet aveu, pour le moins explosif, soulève de sérieuses questions sur la nature et l’efficacité de l’entourage sécuritaire du Premier ministre, et plus généralement sur l’ampleur de l’infiltration des institutions de l’Etat par les gangs.
Plus inquiétant encore, M. Conille a avoué l’incapacité de son gouvernement à contenir l’expansion territoriale des gangs. Loin de maîtriser la situation, le gouvernement semble assister, impuissant, à la conquête de nouveaux territoires par les groupes armés, qui s’implantent de plus en plus profondément dans le tissu social et géographique du pays. Cette incapacité soulève des questions sur la stratégie de sécurité nationale et sur la volonté réelle du gouvernement de s’attaquer à cette crise de manière décisive.
La réunion prévue ce lundi 4 novembre entre le Premier ministre et les membres du Conseil pour la sécurité du territoire (CPT) pourrait être un moment clé. Parmi les sujets abordés, un remaniement ministériel, qui pourrait traduire une volonté de renforcer les capacités de l’Etat face aux défis sécuritaires, et la présence présumée de mercenaires sur le sol haïtien, qui ajoute une dimension géopolitique complexe à cette crise.
Mais la question qui reste en suspens est de savoir si cette réunion débouchera sur des décisions concrètes, ou si ce sera une réunion de plus sans impact réel sur le terrain. Dans une société déjà meurtrie par la violence et l’instabilité, les propos du Premier ministre sonnent comme un aveu d’impuissance qui ne fait qu’accroître le sentiment de vulnérabilité de la population.
L’heure n’est plus au constat, mais à l’action. Haïti ne peut plus se permettre de naviguer à vue face à la montée en puissance des gangs et aux menaces internes qui pèsent sur ses institutions. Les citoyens haïtiens ont droit à un État fort, capable de rétablir la sécurité et la confiance dans les pouvoirs publics. La sincérité est louable, mais elle doit être suivie de mesures concrètes.