La situation à Kenscoff, où des groupes armés ont causé la mort de 262 personnes et en ont blessé 66 autres, met brutalement en lumière l’incapacité des autorités haïtiennes à protéger leur propre population. Plus de 3 000 habitants ont été contraints de fuir la commune, laissant derrière eux un paysage de dévastation et de terreur. Cette violence extrême n’est pas le fruit du hasard : elle est le résultat d’une politique étatique qui, loin de lutter contre les gangs, semble leur donner une totale liberté d’action.
En réponse à cet événement tragique, le gouvernement intérimaire haïtien a une nouvelle fois annoncé l’instauration d’un état de sécurité et d’urgence humanitaire à l’échelle nationale. Cependant, ce décret n’est qu’une manœuvre pour détourner l’attention de l’incapacité crasse du pouvoir en place à endiguer la violence. L’état d’urgence est devenu une sorte d’écran de fumée derrière lequel le gouvernement se cache, ne prenant aucune mesure concrète pour lutter contre les gangs qui continuent de renforcer leur emprise sur les territoires.
Depuis plus de trois ans, Haïti vit sous le régime de l’état d’urgence dans plusieurs départements. Ces mesures, loin d’endiguer les bandes criminelles, semblent leur avoir permis de se renforcer. Au lieu d’agir concrètement, les autorités haïtiennes se contentent de vaines répétitions et d’annonces sans substance. Le gouvernement intérimaire, qui n’a pas montré de réelle volonté de lutter contre les gangs, utilise ce nouvel état d’urgence pour justifier des dépenses publiques en dehors du cadre légal des marchés publics, alimentant ainsi un système de corruption et d’impunité.
Les bandes armées ne sont pas un phénomène isolé, elles sont le produit d’un environnement politique et économique dévasté. Et si les gangs prolifèrent, c’est aussi parce que certains responsables de l’Etat sont soit incapables d’agir concrètement, soit complices de la situation. Des observateurs ont dénoncé la façon dont certains membres des autorités ferment les yeux sur les activités criminelles, voire les soutiennent activement. Dans ce contexte, l’état d’urgence n’est qu’une tentative de maintenir une apparence de gouvernance, sans jamais s’attaquer aux racines du problème.
Il est insupportable de constater qu’au lieu de protéger la population, les autorités semblent davantage préoccupées par leur propre survie politique et la gestion des ressources publiques. Cette nouvelle déclaration d’état d’urgence risque d’être un prétexte de plus pour justifier la gestion catastrophique du pays. Les habitants de Kenscoff, qui ont vu leur communauté réduite en cendres, ne peuvent plus attendre. La crise ne fait que s’aggraver et le peuple haïtien se retrouve une fois de plus à la merci de groupes criminels, tandis que le gouvernement détourne l’attention par des annonces creuses.
Haïti mérite plus que des discours et des déclarations. Il mérite un gouvernement qui prenne des mesures concrètes pour sécuriser le pays, une réponse politique à la hauteur de la tragédie. Mais au lieu de cela, le pays se retrouve sous l’emprise de dirigeants qui, loin de lutter contre les gangs, leur offrent des opportunités d’expansion. L’état d’urgence est devenu le parfait masque d’une incompétence structurelle et d’une corruption endémique qui rongent les racines mêmes du pays.