Dans un parc de Cité Soleil, des centaines d’habitants se sont rassemblés le samedi 4 octobre pour des funérailles collectives à la mémoire de huit personnes tuées lors d’une attaque de drone le 20 septembre dernier. Entre chagrin et colère, la population a ouvertement accusé les forces de l’ordre d’avoir déployé des engins explosifs dans une zone densément peuplée.
Une cible contestée, des victimes civiles
Selon plusieurs témoignages et activistes locaux, l’attaque visait un chef de gang présumé, mais les explosifs auraient également touché des civils, dont des enfants. Médecins sans frontières a soigné de nombreux blessés et a confirmé que des victimes non combattantes figuraient parmi les personnes touchées.
Les proches des victimes ne mâchent pas leurs mots. « Ce n’étaient pas des bandits », répètent-ils, affirmant que les personnes tuées étaient des résidents ordinaires, et non des membres de groupes armés. Une mère, en larmes, aurait déclaré qu’elle ne voulait pas passer devant le cercueil de sa fille de huit ans.
Panique lors de la cérémonie : un oiseau pris pour un drone
Lors de la cérémonie, un moment de forte tension s’est produit lorsqu’un oiseau survivant au charognage a été confondu avec un nouveau drone. Les personnes présentes se sont brusquement dispersées, paniquées – un geste qui en dit long sur l’état de peur permanent dans lequel vivent les résidents de Cité Soleil.
Cet épisode trahit l’ampleur du traumatisme : quand le moindre bruit dans le ciel ravive l’angoisse d’une nouvelle frappe.
Un contexte d’extrême violence et d’impunité
Cité Soleil est aujourd’hui largement contrôlée par des gangs, certains analystes estimant que 90% de la capitale haïtienne échappe au contrôle central.
Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en 2021, l’État haïtien est affaibli ; les forces de sécurité peinent à asseoir leur autorité. Dans ce contexte, l’utilisation de drones pour des opérations de » neutralisation » suscite de vives critiques, notamment sur leur précision, leur légalité et leur coût humain.
Des ONG et des experts réclament des enquêtes indépendantes pour que les responsables, quel que soit leur statut, rendent des comptes. L’absence de toute déclaration officielle ou de reconnaissance de responsabilité alimente une indignation croissante.
Un appel à la justice et à la réforme
« On ne peut pas imposer la paix d’en haut sans justice », ont proclamé les manifestants lors des funérailles. Ce n’est plus seulement une question de sécurité, mais de légitimité : la population réclame de la transparence, le respect des droits fondamentaux et une stratégie de protection civique.
Dans ce contexte, l’ONU a récemment approuvé la création d’une Force de suppression des gangs de 5 550 hommes pour soutenir les autorités haïtiennes. Mais beaucoup doutent de son efficacité face à la complexité locale et au manque de garanties quant au contrôle de ces interventions.