L’annonce de l’organisation du Carnaval 2025 à Fort-Liberté a suscité une vive polémique, illustrant une fois de plus les profondes fractures qui traversent la société haïtienne. Entre célébration culturelle et réalité brutale d’un pays miné par l’insécurité et l’effondrement de ses institutions, la question mérite d’être posée : Haïti peut-elle encore se permettre un carnaval ?
Un patrimoine culturel menacé
Pour les partisans du carnaval, la fête reste un événement essentiel dans le calendrier culturel haïtien. Plus qu’un simple événement festif, c’est un espace d’expression où la musique, la danse et la satire sociale se conjuguent pour offrir un exutoire à un peuple en proie à la misère. Le carnaval est aussi un moteur économique pour les villes qui l’accueillent, générant des revenus pour les artisans, les commerçants et les prestataires de services.
Cependant, cette vision idéaliste semble déconnectée d’une réalité beaucoup plus sombre. Haïti est aujourd’hui un pays en guerre. Une guerre asymétrique dans laquelle des gangs lourdement armés contrôlent de larges pans de territoire, imposant leur loi à une population terrorisée.
Un contexte qui ne se prête pas à la fête
L’organisation du carnaval dans un tel climat soulève des questions légitimes. Peut-on danser et chanter alors que des milliers de familles sont déplacées, que les hôpitaux manquent de tout et que l’éducation de millions d’enfants est compromise ? Peut-on parler de patrimoine et de traditions quand la violence détruit l’âme même du pays ?
Au-delà du symbolique, c’est aussi la question de la responsabilité politique qui est posée. Le gouvernement, incapable de garantir la sécurité de ses citoyens au quotidien, doit-il investir dans des festivités qui, dans de nombreuses villes, risquent d’être le théâtre d’affrontements sanglants ?
Choix politique ou fuite en avant ?
L’organisation du Carnaval 2025 apparaît comme une tentative désespérée de détourner une population excédée des crises majeures qui secouent le pays. Mais cette stratégie a ses limites. Haïti n’a pas besoin d’une mascarade, mais d’un réveil national, d’un leadership capable de faire face aux vraies urgences du moment.
Le carnaval, en temps normal, est un hymne à la résilience. En 2025, il pourrait bien devenir le symbole d’une indifférence coupable à l’égard d’une nation en détresse.