Ils ne gouvernent plus. Ils manœuvrent. Ils ne dirigent plus. Ils s’accrochent. Alors que la population haïtienne endure quotidiennement l’insécurité, la misère et la peur, ceux qui prétendent diriger le pays s’enlisent dans des querelles de postes, de prestige et d’intérêts personnels. Le pays brûle, mais dans les cercles du pouvoir, on discute pour savoir qui roulera sur les cendres.
L’appareil d’État est à l’arrêt, voire complice. A chaque coin de rue, dans chaque quartier, ce ne sont plus les représentants de la loi qui imposent l’ordre, mais des criminels armés, visibles, arrogants, installés. A Port-au-Prince, le contrôle échappe de plus en plus à l’Etat, tandis que les citoyens tentent simplement de rester en vie.
Les témoignages se multiplient : des familles entières obligées de fuir encore et encore, sans savoir où aller. Kenscoff, autrefois considéré comme un dernier bastion de sécurité, est aujourd’hui en proie à la peur. Ceux qui avaient fui la violence du bas Delmas avaient trouvé ici une bouffée d’air frais. Cette bouffée d’oxygène a disparu. L’insécurité les poursuit, les encercle, les épuise.
Et les autorités ? Elles aussi se sont réfugiées. Non pas auprès des populations, mais dans les zones encore épargnées par la violence, comme si l’Etat avait cessé de servir, ne pensant plus qu’à se protéger. Pire, elles s’accusent mutuellement d’inaction ou de trahison, dans une guerre politique qui n’a ni honneur ni raison d’être. Pendant qu’ils s’entre-déchirent dans des salons climatisés, la majorité se bat pour manger, pour fuir, pour survivre.
La lutte du peuple est réelle, quotidienne, vitale. La lutte des gouvernants est vide, stérile, dérisoire. L’histoire jugera. Mais en attendant, ce sont les plus vulnérables qui paient le plus lourd tribut à l’abandon qu’est devenu le système.