Des munitions, des millions, des hommes politiques et des chefs de gangs : Magalie Habitant, ancienne personnalité de l’Etat, se retrouve aujourd’hui au cœur d’un scandale explosif qui met à nu les entrailles pourries d’un système où crime et pouvoir ne font qu’un.
Le 9 janvier dernier, la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) a frappé fort : Magalie Habitant, ex-directrice du SMCRS, et son chauffeur Lenès Jean Philippe ont été arrêtés. La raison ? Des liens suspects avec les gangs les plus redoutés de la capitale. Mais ce n’est que le début d’un effondrement en cascade.
Quelques jours plus tard, une vague d’arrestations secoue les coulisses du pouvoir : Prophane Victor, ancien député, Elionor Devallon, ex-directeur de la CAS, et plusieurs autres noms sont arrêtés. Tous sont liés, d’une manière ou d’une autre, au monde souterrain des gangs armés qui règnent sur Port-au-Prince.
Le 15 avril, la Fondasyon Je Klere (FJKL) lâche une bombe : un rapport accablant de 7 pages révèle l’étendue des liens de Magalie Habitant avec la quasi-totalité des chefs de gangs de l’aire métropolitaine. Des échanges WhatsApp glaçants refont surface. Elle négocie avec Kempès, une figure du Bel-Air, qui lui réclame… vingt caisses de munitions. En réponse, elle lui annonce le prix : 70 000 dollars. Et c’est tout.
Mais l’histoire ne s’arrête pas aux balles. L’argent circule, les transferts se succèdent. Barbecue, le plus célèbre chef de gang du pays, aurait reçu des fonds via la Caisse d’Assistance Sociale, grâce à l’intervention directe de Magalie Habitant. Elionor Devallon, directeur de l’institution, ne dément rien. Il confirme même avoir des chefs de gangs enregistrés dans son téléphone depuis 2015 !
Les chèques de la BRH, retrouvés dans sa voiture, révèlent que près de 1,3 million de gourdes ont été dilapidées, avec des montants allant jusqu’à 100 000 gourdes pour certains, alors que d’autres n’ont reçu que des miettes : à peine 1 500 gourdes.
Et ce n’est pas tout : Mme Habitant aurait également joué le rôle de négociatrice en chef dans l’enlèvement de deux citoyens dominicains en 2021. A la demande de l’ancien président Jovenel Moïse, elle a traité directement avec les ravisseurs pour le paiement d’une rançon d’un million de gourdes.
Mais derrière ces chiffres, ces noms et ces actions se cache une réalité encore plus effrayante : des policiers illégalement armés, soupçonnés d’être eux-mêmes des membres de gangs, protégés par les institutions.
Aujourd’hui, le dossier de Magalie Habitant, Prophane Victor et Elionor Devallon a été transféré au cabinet d’instruction. Mais certains suspects ont déjà été relâchés. Le rideau tombe peu à peu sur un scandale qui pourrait bien n’être que la partie émergée de l’iceberg.
Combien d’autres « fonctionnaires » vivent dans l’ombre des gangs ? Combien d’institutions sont gangrenées ? Et surtout… qui protège qui ?