Il y a des moments où il faut cesser d’envelopper la vérité dans des faux-semblants diplomatiques. L’ancien sénateur Nenel Cassy est aujourd’hui activement recherché par la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) et son attitude frise l’insulte à l’intelligence collective. Pire encore, elle reflète, dans toute sa brutalité, l’arrogante impunité de ceux qui se savent protégés par les mécanismes tordus d’un système politique corrompu et dysfonctionnel.
La DCPJ a lancé un avis de recherche pour cet individu. Pourquoi ? Parce qu’elle est en possession de preuves tangibles ou de soupçons suffisamment fondés pour justifier l’ouverture d’une enquête. Il ne s’agit pas d’une cabale, ni d’un règlement de comptes. C’est professionnel, légal et légitime. Pourtant, au lieu de se présenter à la DCPJ comme l’exige la procédure, Nenel Cassy a délibérément choisi de contourner l’institution policière. Il refuse de répondre à une convocation régulière, préférant se réfugier dans le bureau d’un commissaire du gouvernement dont l’indépendance est déjà largement compromise par son appartenance politique.
Ce comportement est inacceptable. Il constitue un dangereux précédent dans un pays où l’État de droit est déjà à l’agonie. Une chose est claire : la loi ne prévoit que deux issues à un avis de recherche. Soit le suspect se rend à la DCPJ, soit il est appréhendé par la police ou un citoyen responsable. C’est tout. Il n’y a pas d’exception pour les anciens sénateurs, les conseillers ministériels ou les amis du gouvernement.
Ce que fait Nenel Cassy est une sorte de défi à la DCPJ, mais aussi à la République dans son ensemble. Et ce faisant, il ne se contente pas de se soustraire à une enquête : il ridiculise les institutions de l’État. Une telle attitude n’est pas seulement immorale, mais profondément dangereuse pour la survie de notre démocratie déjà mal en point.
Et que dire du rôle du parquet dans cette affaire ? Le commissaire du gouvernement, manifestement plus préoccupé par son appartenance politique que par sa mission de justice, s’est empressé d’accueillir l’ancien sénateur comme si de rien n’était, court-circuitant ainsi l’autorité de la DCPJ. La fonction du parquet n’est pas de bloquer ou d’anticiper les enquêtes de police, mais d’examiner les résultats des enquêtes une fois qu’elles sont terminées. Il n’a pas le pouvoir d’interférer dans des procédures en cours sur la base d’un simple caprice politique.
La présence de Nenel Cassy dans le cabinet du chef du gouvernement ajoute une couche supplémentaire d’indécence à cette affaire. Comment peut-on prétendre rétablir l’ordre et la sécurité dans un pays ravagé par les gangs, la corruption et l’impunité, alors qu’un individu faisant l’objet d’un avis de recherche peut tranquillement s’asseoir à proximité du pouvoir ? Quelle crédibilité peut encore avoir ce gouvernement ? Quelle autorité peut-on accorder à une équipe dirigeante qui refuse de demander des comptes à ses propres collaborateurs ?
Cette situation soulève une question cruciale : qui gouverne vraiment en Haïti ? La loi ou les réseaux politiques ? La justice ou la connivence ? La DCPJ ou le cercle du pouvoir ?
Il est temps de trancher. L’Etat haïtien ne peut continuer à fonctionner sous le règne de la duplicité. La DCPJ, en tant qu’institution de référence en matière d’enquête criminelle, doit être soutenue, protégée et respectée. Elle est l’un des rares remparts encore debout face au chaos généralisé. C’est elle qui, au prix de mille risques, tente de démêler les fils tordus d’un pays miné par la violence, le crime et la corruption. Si on lui retire cette autorité, si on l’empêche de faire son travail, c’est tout l’édifice de la République qui s’écroule.
Nenel Cassy doit aller à la DCPJ. Pas au parquet. Pas dans un bureau politique. Pas devant un commissaire complice. Il doit répondre aux questions, se soumettre à l’enquête et respecter les règles communes à tous les citoyens. C’est cela la justice. Tout le reste n’est que simulacre.